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Qu’est-ce que tu fais dans la vie ?
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Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? decoration

Photo de Betsy et Charlotte
par Betsy Zbiegel et Charlotte Dereppe

Evoquer en public notre projet professionnel donne à observer les multiples formes que peut prendre l’enthousiasme. Des rires aux larmes, le domaine de la mort ne laisse personne indifférent.

Petits florilèges…

« Mais vous êtes folles ou quoi ? »

On attache en tout cas beaucoup d’importance aux rites funéraires. Les rites sont à tout point de vue une excellente façon de s’approprier un événement à fort impact individuel mais néanmoins indissociable du collectif. Outre les proches, c’est aussi un tissu de liens - forts et faibles - qui est impacté par la perte d’un vivant. Par le rite, les vivants et les morts construisent ensemble une nouvelle relation.

Image d'illustration, ici détail de la gare des Guillemins

Est-ce folie de vouloir y œuvrer ? Ne serait-ce pas plutôt folie de nier la mort dans l’espoir de la faire disparaître ? Une telle attitude, pourtant courante, n’est pas sans conséquence sur le deuil. Plus on l’évite, plus bruyamment la mort s’impose lorsqu’elle arrive.

Rendre sa place à la mort, prodiguer du soin et de la bienveillance, remettre de l’humanité dans un moment qu’on a éloigné de nos existences, c’est notre proposition. Refaire lien entre les vivant·e·s et les mort·e·s.

« Installez-vous à côté d’un hôpital, les gens veulent se débarrasser en vitesse du truc, ils tomberont sur vous. »

Sans examiner la validité de cet argument marketing, on choisit d’emblée de s’en détacher. Car notre raison d’être n’est pas de faire en sorte que l’on « tombe » sur nous. Notre activité trouve grâce à nos yeux parce qu’on l’exerce en conscience, avec l’approche humaine que nous proposons et qui est choisie, celle-ci devenant alors authentique et personnalisée.

S’il y a dans ce conseil un constat malheureusement indéniable c’est le tabou occidental de la mort. « Se débarrasser en vitesse du truc » représente en effet l’état d’esprit habituel lorsque l’on pense à la mort.

En vitesse mais attention… L’effort investi dans ses funérailles n’est-il pas associé au degré d’attachement au·à la défunt·e ? Une question que notre société capitaliste se propose de traiter… avec une proposition évidente : on ne peut y consacrer du temps, alors consacrons-y de l’argent. Une forme de culpabilité, quelle qu’en soit l’origine, impose de mettre les moyens pour dire aurevoir en grandes pompes – funèbres évidemment. Il ne faudrait pas donner l’impression de vouloir faire au moins cher.

Pourtant, rares – voire impossible - sont les funérailles qui effacent l’épreuve d’un décès.

Peut-être qu’approcher cette bizarrerie qui mêle tabou de la mort et nécessité de démontrer l’attachement permettrait de penser autrement les funérailles. Et enfin panser nos blessures.

« J’espère que je ne devrais jamais faire appel à toi. »

C’est la réaction la plus courante. Elle illustre le mieux notre paradoxe d’humain occidental : La mort, on peut l’éliminer.

Ne nous attardons pas sur l’aberration matérialiste d’une telle proposition, venant pourtant des champion·ne·s du rationnel que nous sommes. Passons directement à l’approche philosophique.

Ainsi, dans toute conviction il y a une constante : quand un·e vivant·e part, un·e mort·e arrive. Sur le plan affectif, un·e mort·e continue d’exister, on ne l’oublie pas (pas à l’échelle d’une génération en tout cas). On continue à penser à elle·lui, à l’évoquer, à dialoguer avec elle·lui. Sur un plan plus concret également, le statut de mort·e implique toutes sortes de conséquences. Pensez seulement aux questions d’héritage, qu’il soit matériel ou symbolique, qui sont à l’origine d’un nombre incalculable d’histoires en tout genre. Décidemment, on peut compter sur les mort·es pour être là.

Ainsi, à cette réaction classique et ô combien éclairante d’un état d’esprit qui gagnerait à évoluer, nous avons envie de répondre : J’espère que tu aimes, que tu es impliqué·e dans des relations qui te construisent et que tu construis, et que celles-ci sont plus fortes que l’événement biologique de l’arrêt des fonctions vitales.

En conclusion

Ce que nous faisons dans la vie, ce n’est pas de la magie. Ce n’est pas vendre des promesses de communication avec des fantômes. Ce n’est pas faire passer la pilule avec des cérémonies plus élégantes qu’à l’accoutumée (bien qu’elles le soient, on ose le croire).

Notre proposition, c’est de rendre la mort un tout petit peu moins difficile. Faire en sorte que toutes les pistes de réconfort soient explorées. Trouver avec les vivant·e·s et les mort·e·s de nouvelles manières d’être ensemble. Et finalement faire tenir tout cela – ne serait-ce qu’en germe- dans une cérémonie. L’idéal étant de faire lien entre vous et vos mort·e·s.

Notre trace professionnelle, c’est d’aider les autres à faire la leur. Questionner le tabou de la mort. Adoucir l’approche. Apprivoiser la seule certitude que l’on a et l’apaiser.

Musique associée : lien vers Spotify
Stefano Landi : Homo fugit velut umbra

Pour réfléchir ensemble

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